# **Le Cerveau de l’Enfant™ : nouvelle religion des parents dociles** *(pamphlet bref et incendiaire)* On croyait avoir tout vu : les manuels de dressage victorien, les guides de parentalité positive, les chartes de bienveillance obligatoire. Et voilà qu’arrive la dernière trouvaille : **le cerveau de l’enfant**, nouvelle divinité devant laquelle les parents modernes doivent se prosterner. Il ne suffit plus d’éduquer : il faut désormais *optimiser des réseaux neuronaux*, “intégrer hémisphères droit et gauche”, “activer le cortex préfrontal”. L’enfant devient un petit animal expérimental dont on scrute la synapse, et le parent un technicien du vivant chargé d’assurer la maintenance émotionnelle de la progéniture. Bienvenue dans **la neuro-théologie de la famille moderne**. Car soyons clairs : ce discours n’a rien d’innocent. Sous la caresse pseudo-scientifique se cache toujours la même vieille obsession : **tenir l’enfant**, le garder sous contrôle, le ramener dans le rang. Une domination en gants de velours, mais une domination quand même. On ne crie plus : on “co-régule”. On ne punit plus : on “redirectionne les circuits”. On ne commande plus : on “accompagne la maturation cérébrale”. Quel progrès. Le génie de cette nouvelle religion, c’est qu’elle efface toute responsabilité politique. L’oppression n’existe plus : ce n'est qu’une question de “cerveau immature”. L’inégalité structurelle ? Une simple différence de “connexion neuronale”. La dépendance ? Mais voyons, c’est biologique ! Les neurosciences deviennent ainsi **la plus efficace des polices discrètes** : aucune résistance n’est possible contre ce qui est présenté comme naturel. L’adulte justifie sa toute-puissance en invoquant la biologie, comme autrefois les rois invoquaient Dieu. Et l’enfant, lui ? Rien à dire. Rien à contester. Son cortex préfrontal n’est “pas encore prêt”. On appauvrit l’enfance sous prétexte de la comprendre. On la naturalise pour mieux la gouverner. On la pathologise dès qu’elle déborde. On fabrique des enfants pour mieux consolider le pouvoir des adultes. La vérité est simple : **l’enfant n’a pas besoin qu’on lui optimise le cerveau.** Il a besoin qu’on lui rende du pouvoir. De l’espace. Du langage. Du monde. Tout ce que la neuro-parentalité lui refuse en lui susurrant qu’elle le protège. Alors renversons le récit. Ce ne sont pas les enfants qui manquent d’intégration cérébrale. Ce sont les adultes qui manquent d’imagination politique. Ce n’est pas l’émotion des enfants qu’il faut réguler. C’est la domination des adultes qu’il faut fissurer. La seule vraie “intégration”, ce serait de faire exploser cette fiction commode qui veut que l’enfance soit un problème biologique à résoudre, plutôt qu’un espace politique à libérer.